La ferritine est bien plus qu’un simple chiffre sur une prise de sang. Cette protéine, qui stocke le fer dans l’organisme, peut révéler des déséquilibres discrets, mais parfois lourds de conséquences. Fatigue inexpliquée, infections à répétition, inflammations ou suspicion de cancer : un taux de ferritine anormal nécessite de pousser des investigations. Quand et pourquoi la doser ? Quels seuils doivent alerter ? On fait le point.
Pourquoi et quand mesurer la ferritine ?
Le dosage de la ferritine est souvent prescrit dans un contexte de fatigue persistante, d’infections fréquentes ou de bilan de carence en fer. Chez certains patients, il s’intègre à un suivi oncologique, en particulier en cas de cancers digestifs ou hématologiques.
Ce marqueur permet de vérifier les réserves en fer de l’organisme. Contrairement à la simple mesure du fer sérique, la ferritine offre une vision plus stable et fiable du statut martial.
Elle peut aussi entrer dans l’évaluation d’un syndrome inflammatoire chronique, d’une pathologie hépatique ou d’un trouble métabolique. Chez les femmes, elle est fréquemment analysée en cas de règles abondantes, de grossesse ou après une chirurgie gynécologique. Chez les hommes, un contrôle est parfois recommandé à partir de 50 ans ou en cas de suspicion d’hémochromatose.
Quel est le taux de ferritine « normal » ?
Les valeurs dites normales varient selon le sexe, l’âge et le contexte clinique. En moyenne, on considère qu’un taux de ferritine est normal :
- Entre 15 et 150 µg/L chez la femme adulte
- Entre 30 et 300 µg/L chez l’homme adulte
En dessous de ces seuils, on parle d’hypoferritinémie. Au-delà, il s’agit d’hyperferritinémie.
Ces chiffres doivent toutefois être interprétés avec prudence, en tenant compte du contexte. Une inflammation, une chimiothérapie ou une radiothérapie peut faire grimper la ferritine de manière non liée à une surcharge réelle en fer. À l’inverse, un taux dans les normes ne signifie pas forcément que les réserves sont suffisantes : il peut être masqué par un processus inflammatoire ou tumoral. Par ailleurs, certains laboratoires appliquent des fourchettes légèrement différentes selon les techniques utilisées.
Ferritine basse : quels risques et quelles causes possibles ?
Un taux de ferritine bas reflète des réserves en fer insuffisantes. En dessous de 15 µg/L chez l’adulte, le diagnostic de carence martiale est souvent posé. Les symptômes sont variés : fatigue chronique, essoufflement à l’effort, chute de cheveux, peau pâle, ongles cassants.
Les causes sont multiples :
- Pertes sanguines chroniques (règles abondantes, saignement digestif occulte, cancer colorectal)
- Malabsorption intestinale (maladie cœliaque, chirurgie bariatrique, maladie de Crohn)
- Alimentation pauvre en fer
- Grossesse ou allaitement sans supplémentation adaptée
Chez les patients traités pour un cancer, une hypoferritinémie peut apparaître suite à une anémie post-chimiothérapie ou une radiothérapie. Elle peut aussi compliquer la récupération postopératoire ou altérer la tolérance aux traitements.
Un bilan sanguin plus complet (hémoglobine, VGM, coefficient de saturation de la transferrine) permet de préciser l’origine et l’impact clinique.
Ferritine élevée : faut-il s’inquiéter d’une hyperferritinémie ?
Un taux de ferritine trop élevé – au-delà de 300 µg/L chez l’homme ou de 200 µg/L chez la femme – n’est pas toujours synonyme de surcharge en fer. Ce chiffre peut révéler une inflammation aiguë ou chronique, un trouble métabolique ou encore un processus tumoral actif. Voici les causes les plus fréquentes :
- Hémochromatose héréditaire
- Syndrome inflammatoire chronique (polyarthrite rhumatoïde, lupus, cancer)
- Atteinte hépatique (hépatite, stéatose, cirrhose)
- Alcoolisme chronique
- Syndrome métabolique et diabète de type 2
- Traitements cytotoxiques
Chez les patients suivis en oncologie, une hyperferritinémie peut apparaître transitoirement après certains gestes opératoires, sous traitement antinéoplasique ou lors d’une rechute. Elle doit alors être corrélée à d’autres marqueurs, notamment la CRP et les enzymes hépatiques.
Néanmoins, lorsque le taux dépasse 1 000 µg/L sans cause évidente, un dépistage ciblé est recommandé, notamment pour rechercher une hémochromatose génétique ou une pathologie maligne sous-jacente.
Pathologies associées à un trouble de la ferritine
Les variations de ferritine ne sont jamais anodines. Elles peuvent refléter un déséquilibre biologique parfois profond.
Hypoferritinémie :
- Anémie ferriprive
- Maladies inflammatoires chroniques
- Cancers hématologiques ou digestifs
- Troubles de l’absorption
Hyperferritinémie :
- Hémochromatose
- Cancers solides (foie, pancréas, poumon, sein)
- Syndromes myélodysplasiques
- Infections sévères (Covid-19…)
- Pathologies auto-immunes
Mais la ferritine seule ne suffit pas pour établir un diagnostic : elle doit toujours être interprétée en fonction du contexte clinique, des antécédents personnels médicaux du patient et d’un examen médical approfondi.
Ferritine et cancer : quel lien ?
En oncologie, la ferritine ne constitue pas un marqueur spécifique de cancer, mais elle peut être un signal d’alerte quand elle s’associe à d’autres anomalies : perte de poids involontaire, douleurs inexpliquées, altération de l’état général…
Certaines tumeurs (foie, pancréas, sein, rein, voies digestives) peuvent s’accompagner d’une hyperferritinémie liée à la destruction cellulaire, à une réponse inflammatoire ou à une atteinte hépatique. Dans les cancers hématologiques (lymphome, leucémie, myélome), l’élévation peut traduire une infiltration de la moelle osseuse ou une surcharge en fer liée aux transfusions répétées.
Par ailleurs, certains traitements anticancéreux, comme la chimiothérapie, l’immunothérapie ou la radiothérapie, influencent la synthèse hépatique de ferritine, ce qui complique parfois l’interprétation. Dans ce contexte, le dosage est plutôt utilisé pour surveiller l’état inflammatoire global ou évaluer une toxicité hépatique.
Chez les patients atteints d’un cancer, un suivi régulier de la ferritine permet de mieux ajuster les traitements, en particulier en cas d’anémie persistante ou de suspicion de surcharge martiale due aux transfusions répétées.