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Avoir un bébé après un cancer: la question de la fertilité féminine post-cancer

février 2, 2023

Docteur Pauline CASTELNAU-MARCHAND

Lors du diagnostic d’un cancer, l’équipe médicale élaborant le protocole de traitement doit prendre en compte différents éléments avant toute instauration du traitement, à savoir, l’efficacité du traitement bien entendu, mais également les effets indésirables susceptibles d’être engendrés par ces derniers, qu’ils soient directs et aigües (tels que les nausées ou la perte de cheveux en cours de chimiothérapie), mais également ceux à plus long terme pouvant impacter sur l’état physique, fonctionnelle, psychique, sociale, professionnelle éventuellement causés , ou encore lié à la sexualité du patient après les traitements.

Projet de grossesse après un cancer: une prise en charge personnalisée

On ne prend pas en charge un cancer en tant que maladie, mais bien une personne humaine atteinte d’une maladie à traiter tout en contrôlant les effets néfastes causés par nos traitements. Cette prise en charge doit donc être globale et personnalisée.

En cas de risque d’altération de la fertilité, la patiente doit absolument être informée du risque et orientée vers une consultation d’onco-fertilité visant à lui expliquer les potentielles conséquences des traitements sur ses capacités de reproduction et à lui proposer des solutions de préservation de la fertilité avant de débuter les traitements.

De fait, les progrès de la médecine oncologique permettent une augmentation constante de la survie des anciennes patientes; l’information sur la capacité d’une femme à fonder une famille après son cancer est désormais un aspect immanquable de leur prise en charge globale. Celle-ci est encadrée par la loi bioéthique de 2004.

« Toute personne dont la prise en charge médicale est susceptible d’altérer la fertilité, ou dont la fertilité risque d’être prématurément altérée, peut bénéficier du recueil et de la conservation de ses gamètes ou de ses tissus germinaux, en vue de la réalisation ultérieure, à son bénéfice, d’une assistance médicale à la procréation, ou en vue de la préservation et de la restauration de sa fertilité. »

Loi de bioéthique de 2004 et de l’Article L2141-11 du code de la santé publique modifié par LOI n°2011-814 du 7 juillet 2011 – art. 32

 

Grossesse après cancer hormono-dépendant ou cancer classique : Quel est l’impact des traitements anti-cancer

 

Cancer et Fertilité Féminine

Le cancer est une pathologie complexe, et à l’heure actuelle, il n’y a pas de marqueur validé pour prédire le risque d’infertilité avec certitude après traitement d’un cancer. Nous sommes plutôt en mesure de prédire un risque d’aménorrhée (d’arrêt des cycles menstruels) reflétant la réserve ovarienne.

Pour en savoir plus sur les effets secondaires de la radiothérapie

Grossesse après cancer: peut on prédire le risque d’insuffisance d’ovaires?

Il est possible de prédire le risque d’insuffisance ovarienne après un traitement du cancer des ovaires, plusieurs paramètres sont pris en compte :

  • ceux liés à la patiente: âge, état des cycles avant les traitements, antécédents gynécologiques… Une échographie pelvienne (avec comptage des follicules à J3 du cycle si possible) ainsi qu’un bilan hormonal (avec dosage de l’AMH = hormone anti-mullérienne) doit être proposé au plus tôt.
  • ceux liés aux traitements envisagés:
    • La chimiothérapie:  peut induire des troubles du cycle menstruel et une diminution du nombre de follicules primordiaux ainsi qu’une anomalie de la maturation folliculaire à l’origine d’une infertilité temporaire ou permanente. Bien sûr, cela dépend de la molécule utilisée. Les effets augmentent en fonction de la dose cumulée.
    • L’hormonothérapie: consiste à bloquer la production d’hormones sexuelles agissant comme des facteurs de croissance sur certaines tumeurs. Ce traitement engendre une ménopause précoce, qui réduit voire supprime la fertilité.
    • La chirurgie : a un impact sur la capacité reproductrice lorsqu’elle concerne des tumeurs de l’appareil reproducteur. L’ablation de la tumeur peut, en effet, nécessiter de retirer les organes sexuels (ovaires, trompes de Fallope et bien sûr l’utérus) dans leur totalité ou partiellement.
    • La radiothérapie: comme la chirurgie, agit localement sur les tissus irradiés. Dans le cadre de la prise en charge de tumeur située au niveau de la zone pelvienne ou abdominale, les organes de l’appareil reproducteur peuvent être irradiés et perdre temporairement ou durablement leurs capacités fonctionnelles. Cependant, comme pour la chimiothérapie, l’induction d’une infertilité permanente ne peut être estimée avec certitude.

Certaines conséquences indirectes des traitements sont également à même d’altérer la fertilité féminine : le cycle menstruel et la production d’ovocytes peuvent en effet être perturbés par le stress, l’anxiété, la douleur et l’épuisement. Une prise en charge globale est donc primordiale pendant et au décours du traitement.

Enfin, les traitements contre le cancer peuvent être hautement toxiques pour l’embryon. Aussi, même lorsque la fertilité est préservée, il est habituellement hautement recommandé d’éviter toute grossesse durant le traitement – qui peut durer jusqu’à 5 ans pour l’hormonothérapie.

 

Avoir un projet de bébé après un cancer: Les méthodes de préservation de la fertilité féminine en oncologie

Cryoconservation ovocytes - fertilité et cancer

Pour contrer les effets délétères des thérapies utilisées dans la prise en charge du cancer sur la fertilité féminine, une stratégie de préservation de la fertilité doit être proposée à chaque patiente dont la capacité reproductrice est menacée par les traitements.

Différents facteurs sont mis en perspective pour déterminer la méthode de conservation la mieux adaptée à chaque patiente en fonction de son profil, de la toxicité des traitements envisagés, de l’urgence de la situation et de la nature du cancer traité.

Grossesse après un cancer chez les jeunes femmes en cours de puberté ou sans désir de grossesse actuel : la Cryoconservation d’ovocytes 

Cette intervention vise à prélever des ovocytes avant le début du traitement, puis à les congeler dans de l’azote liquide afin de les conserver durablement. Elle concerne souvent les jeunes patientes ou celles n’étant pas en couple stable ou n’ayant pas de désir actuel de grossesse.

Grossesse après un cancer chez les jeunes femmes (non pubères) vivant en couple : la Cryoconservation d’embryons

Cette intervention consiste à prélever des ovocytes, après stimulation ovarienne, avant le début du traitement, et à les mettre en fécondation avec les gamètes du conjoint. Les embryons ainsi obtenus sont congelés dans l’azote liquide et ne peuvent être utilisés que sur décision des deux parents biologiques. Le couple doit encore exister à la fin du traitement, et une évaluation de sa stabilité est nécessaire. NB : dans le cadre du cancer du sein : En cas de cancer RH+ (récepteurs hormonaux positifs): on discutera la possibilité de la stimulation au cas par cas, au mieux après chirurgie, et en fonction de la gravité de la maladie.

Grossesse après un cancer chez les femmes à un âge non pubère : la Conservation de tissus ovariens 

Cette intervention consiste à prélever une partie ou la totalité d’un ovaire avant le début du traitement, et à conserver certains fragments de la corticale ovarienne – tissu qui produira les futurs ovules. NB : cette indication est limitée dans le cadre du cancer du sein (gonadotoxicité faible à intermédiaire de la chimiothérapie et risque de diminution de la fonction ovarienne par cette technique). Elle n’est pas recommandée chez les patientes porteuses d’une mutation BRCA.

Pour toutes les femmes en cas de nécessité de débuter un traitement très rapidement:

  • Maturation in vitro des ovocytes (MIV) : Cette technique ne nécessite pas de stimulation ovarienne préalable et peut être réalisée dans le cadre de l’urgence. Suite à cette maturation, des ovocytes peuvent être conservés (ainsi que des embryons si la patiente est en couple hétérosexuel stable). Contrairement à la cryopréservation ovocytaire ou embryonnaire, elle peut être proposée en situation néo-adjuvante (c’est-à-dire avant tout traitement, notamment avant une chirurgie ou une chimiothérapie).
  • Prescription d’un agoniste de la LHRH pendant la chimiothérapie : (à débuter une semaine avant la chimiothérapie): Cette technique diminue le risque d’aménorrhée chimio-induite et augmente le taux de grossesse . Cependant, elle ne peut se substituer aux autres méthodes de préservation de la fertilité qui doivent être systématiquement proposées.

N’hésitez pas à vous tourner vers oncologue (ou à demander un 2nd avis) si vous avez des questions sur les conséquences de votre maladie et/ou de vos traitements sur votre fertilité, ou sur la méthode de préservation que l’on vous a proposée.

 

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Docteur Pauline CASTELNAU-MARCHAND

Le Dr Pauline Castelnau-Marchand a rejoint l’équipe de l’Institut HORG en 2020, afin de poursuivre son activité médicale et de recherche, elle est notamment très impliquée dans la prise en charge des cancers du sein chez les femmes jeunes, des cancers ORL, urologiques ou encore digestifs. Le Docteur Castelnau-Marchand est également engagée dans l’enseignement et la formation médicale, en tant que vice-présidente du Club des Oncologues Radiothérapeutes Parisiens (CORP) depuis 2018.